Vivre un événement traumatisant peut bouleverser profondément votre équilibre. Que ce soit un accident, une agression, la perte soudaine ou violente d’un proche, ou un contexte de violence, ces expériences peuvent laisser des traces durables sur le plan émotionnel, physique et relationnel. Mais comment savoir si ce que vous vivez correspond à un stress post-traumatique (TSPT) ? Et surtout, à quel moment est-il pertinent de consulter pour obtenir de l’aide ? C’est ce que vous découvrez dans cet article.
Trop souvent, les personnes touchées minimisent leurs réactions, se demandent si elles exagèrent ou tardent à chercher du soutien par peur d’être jugées. Parfois, ce sont aussi les proches qui, par incompréhension ou malaise, banalisent ce qui est vécu. Ces mécanismes, bien que compréhensibles, peuvent retarder l’accès à des ressources précieuses. D’où l’importance de mieux comprendre ce qu’est le stress post-traumatique.
Avertissement :
Cet article présente des exemples fictifs à visée illustrative. Certains contenus peuvent évoquer des souvenirs ou des émotions difficiles. Nous vous encourageons à lire à votre rythme, à faire des pauses si nécessaire, et à consulter un professionnel (travailleur social, intervenant en santé mentale) pour un soutien adapté si vous vous reconnaissez dans certaines situations.
Les informations ci-dessous servent à démystifier le TSPT et à expliquer le rôle d’un travailleur social. Elles ne remplacent pas un accompagnement personnalisé, ni un diagnostic posé par un médecin ou un psychologue.
En cas de détresse immédiate, composez le 988 (ligne canadienne de prévention du suicide) ou appelez le 811, option 2, pour parler à Info-Social.
Pour explorer des pistes concrètes pour se reconstruire après un traumatisme, voir aussi notre article « Se reconstruire après un traumatisme : 10 pistes concrètes ».
1. Comprendre le stress post-traumatique
1.1 Un continuum, pas une étiquette figée
Le TSPT n’apparaît pas du jour au lendemain. On parle plutôt d’un continuum de réactions : choc initial, stress aigu, puis, chez certain·es, installation durable de manifestations plus intenses. Après un choc, il est normal de se sentir secoué·e. Chez la plupart, l’intensité décroît en quelques semaines. En effet, on commence à parler de TSPT lorsque ces réactions persistent au-delà de quatre semaines.
Ce type de stress découle généralement d’une exposition à un événement bouleversant qui dépasse la capacité d’adaptation d’une personne. Il peut s’agir, par exemple, d’avoir été directement confronté·e à un danger de mort, à une blessure grave, ou à des violences sexuelles. Cela peut aussi inclure le fait d’avoir appris qu’un proche a vécu un drame violent ou d’avoir été exposé·e de façon répétée à des détails choquants (comme c’est parfois le cas pour les intervenant·es d’urgence).
Reconnaître ce continuum évite de se juger : vous n’êtes pas « trop fragile », vous réagissez à un événement exceptionnel.
1.2 Les quatre grands ensembles de signes
Les manifestations du stress post-traumatique sont regroupées en quatre ensembles, tels que définis dans les critères diagnostiques du DSM-5-TR.
Note : L’évaluation diagnostique du TSPT est posée par un·e professionnel·le habilité·e à cet effet, comme un·e médecin, un·e psychiatre ou un·e psychologue.
✓ Réviviscences
Flash-backs, cauchemars récurrents, pensées intrusives qui surgissent sans prévenir, causant de la détresse, dissociation.
✓ Évitement
Tendance marquée à fuir les rappels de l’événement : lieux, situations, conversations, émotions ou pensées associés au traumatisme.
✓ Hyperactivation
Sursauter au moindre bruit, sommeil léger, être constamment « sur ses gardes », tension musculaire constante, comportements impulsifs ou autodestructeurs, irritabilité, difficultés de concentration.
✓ Changements dans l’humeur et la vision de soi/du monde
Pensées négatives persistantes sur soi, les autres ou le monde (ex. sentiment d’être inadéquat·e, méfiance généralisée), culpabilité marquée, difficulté à ressentir du plaisir ou des émotions positives. Cela peut aussi inclure un sentiment d’éloignement des autres, une perte d’intérêt marquée et, parfois, des trous de mémoire liés à l’événement.
Exemple illustratif
Julie se sent physiquement tendue chaque fois qu’elle entend une sirène ; son cœur s’emballe et elle ressent une sensation d’alerte intérieure difficile à apaiser (hyperactivation). Elle évite de traverser le quartier où l’accident s’est produit, change régulièrement son trajet et refuse d’en parler avec ses proches (évitement). Elle se reproche sans cesse de ne pas avoir « vu venir » la voiture et croit qu’elle aurait pu empêcher ce qui est arrivé (culpabilité). Elle dit ne plus se reconnaître, se sent souvent vide, et a du mal à retrouver de l’intérêt pour des activités qu’elle aimait.
Ce portrait illustre comment le TSPT peut affecter plusieurs sphères de la vie.
Quand la boussole interne reste déréglée
Ressentir de la peur, de la colère ou des flash-backs après un choc est normal ; c’est le système nerveux qui tente de se protéger. Lorsque ces réactions s’installent, débordent sur le travail, les études ou les relations et qu’elles persistent au-delà de quatre semaines, elles peuvent signaler un TSPT et justifient un soutien professionnel adapté.
2. Quand ces signes deviennent préoccupants
2.1 Durée et intensité
On parle de stress post-traumatique lorsque les manifestations persistent pendant plus d’un mois et commencent à interférer avec vos activités courantes, vos relations ou votre bien-être général.
2.2 Répercussions concrètes dans la vie de tous les jours
Au-delà des réactions internes, le TSPT peut avoir des effets tangibles sur plusieurs sphères de votre vie. Pour mieux cerner leur impact, prenez un moment pour réfléchir aux questions suivantes :
- Mon énergie au travail ou aux études est-elle en chute libre ?
- Mes relations sont-elles affectées (tensions, éloignement, sentiment d’incompréhension) ?
- Ai-je réduit des activités importantes par peur des déclencheurs ?
- Mes stratégies pour « tenir le coup » (alcool, surmenage, achats impulsifs) me créent-elles de nouveaux problèmes ?
- Mon sommeil est-il perturbé malgré la fatigue ?
- Mon estime personnelle ou mon regard sur moi-même a-t-il changé depuis l’événement ?
Si plusieurs de ces questions résonnent pour vous, il peut être bénéfique d’en parler avec un professionnel formé à l’accompagnement post-traumatique.
Indicateurs d’urgence
- Pensées suicidaires, idées de mort ou planification d’un passage à l’acte.
- Usage accru d’alcool ou de drogues pour « faire taire » les souvenirs ou pour s’endormir.
Si l’un ou l’autre vous concerne, il est recommandé de consulter sans délai.
3. Pourquoi consulter un travailleur social après un traumatisme ?
3.1 Une approche globale et ancrée dans le quotidien
Les effets d’un traumatisme ne se limitent pas à ce que l’on ressent ; ils peuvent aussi se refléter dans différentes sphères de la vie — relations, logement, travail, santé, estime de soi. C’est pourquoi l’approche du travail social repose sur approche globale, qui tient compte à la fois de la personne et de son environnement. Elle vise à soutenir la reconstruction de manière concrète et personnalisée, en tenant compte des réalités du quotidien, des ressources disponibles et des enjeux sociaux.
Ce rôle d’accompagnement vise avant tout à soutenir une reconstruction concrète, étape par étape, dans la vie quotidienne — au-delà du récit de l’événement lui-même.
3.2 À quoi ressemble un suivi psychosocial en travail social après un traumatisme ?
Un suivi psychosocial structuré permet d’accompagner la personne dans son cheminement à partir de ce qu’elle vit, à son rythme, en lien avec sa réalité. Voici les grandes étapes que peut inclure une démarche post-traumatique :
- Accueillir et sécuriser
Créer un espace d’écoute bienveillant, sans jugement, où la personne peut nommer ce qu’elle traverse. Clarifier ses attentes, ses priorités et ses préoccupations immédiates. - Évaluer la situation dans sa globalité
Faire un portrait du fonctionnement social : relations, travail, logement, santé, soutien social, habitudes de vie. Repérer les facteurs de risque et de protection, ainsi que les besoins urgents. - Élaborer un plan d’intervention
Définir des objectifs réalistes et flexibles en fonction des besoins exprimés. Cela permet de structurer le suivi et de favoriser un sentiment de progression concrète. - Explorer des thèmes spécifiques liés au trauma
Selon les besoins de la personne, différentes thématiques peuvent être abordées :
✓ comprendre ce qu’est un traumatisme psychologique et comment il agit sur le corps et l’esprit ;
✓ identifier les conséquences vécues (émotionnelles, physiques, sociales, identitaires, etc.) ;
✓ reconnaître les déclencheurs et leurs effets sur le quotidien ;
✓ faire le lien entre les réactions actuelles et des mécanismes de survie mis en place ;
✓ composer avec les réactions de l’entourage (jugement, retrait, incompréhension) ;
✓ soutenir les émotions vécues lors de démarches judiciaires ou administratives (ex. : résultats de procès) ;
✓ cultiver une hygiène de vie favorisant la régulation (sommeil, alimentation, mouvement, routines) ;
✓ renforcer l’ancrage et la sécurité interne avec des outils concrets (ex. : techniques issues de notre article « Se reconstruire après un traumatisme ») ; - Identifier les évitements et favoriser une reprise progressive du pouvoir d’agir :
Repérer les situations, lieux ou émotions que la personne évite en lien avec le traumatisme. Explorer, à son rythme, des moyens concrets pour se réapproprier certains espaces ou activités de manière sécurisante, en s’appuyant sur des stratégies de régulation émotionnelle et d’ancrage. - Favoriser la reconnexion avec soi et les autres
Explorer les liens significatifs, les valeurs personnelles, les projets de vie. Cela peut inclure :
✓ reprendre certaines activités ou relations positives
✓ réfléchir à un éventuel retour au travail ou à une réorientation
✓ faire un bilan de son parcours depuis l’événement
✓ se préparer à d’éventuelles rechutes ou réactivations
✓ consolider les outils acquis au fil du processus.
Faire un retour sur l’évolution
Prendre un moment pour observer les changements vécus, les apprentissages, les forces mobilisées. Nommer les gains concrets, les aspects encore fragiles, et les besoins futurs s’il y a lieu.
4. Se préparer à la première rencontre
La première rencontre est souvent un moment chargé d’émotions, surtout lorsqu’on porte un vécu difficile depuis longtemps. Il n’est pas nécessaire d’avoir tout en ordre ou de savoir exactement quoi dire — simplement vous présenter tel que vous êtes est déjà un pas important.
Voici quelques repères pour vous aider à vous sentir plus préparé :
- Prenez un moment pour nommer ce qui vous amène
Qu’il s’agisse de sommeil perturbé, de colère difficile à contenir, d’anxiété persistante ou d’un sentiment de blocage, noter ce qui vous préoccupe peut clarifier vos priorités et permettre à votre travailleur social de mieux vous soutenir dès le départ. - Prévoyez un temps d’atterrissage après la rencontre
Il est fréquent de ressentir une certaine fatigue ou un besoin de recul après avoir abordé des sujets sensibles. Si possible, évitez d’enchaîner avec une tâche exigeante et accordez-vous un moment doux ou tranquille pour vous recentrer.
5. Signes qu’un suivi psychosocial vous ferait du bien — synthèse rapide
- Flash-backs ou cauchemars répétés perturbent vos journées et vos nuits.
- Vous évitez des lieux, personnes ou activités importantes pour vous.
- Vous vivez sur un mode « alerte maximum » quasi permanent.
- Colère, culpabilité ou honte envahissantes (consultez notre article « La honte : la comprendre et s’en libérer »).
- Relations tendues ou isolement croissant.
- Usage accru d’alcool, de substance ou d’achats pour apaiser la détresse (consultez notre article « Comment les traumatismes passés dirigent encore vos choix : comprendre et gérer les comportements à risque »).
Même un seul de ces éléments mérite attention, surtout s’il dure ou s’intensifie.
En conclusion
Vous informer, c’est déjà un premier pas. Vous n’avez pas à traverser cela seul·e. Si vous sentez que c’est le bon moment, un professionnel peut vous accompagner, à votre rythme.
Si vous souhaitez en savoir plus sur notre accompagnement, nous vous présentons ci-dessous deux types de services offerts chez Les Psychosociaux.
Consultation psychosociale individuelle
Rencontrez nos professionnels pour explorer ensemble des moyens pratiques et adaptés à votre situation, afin de renforcer votre équilibre émotionnel et favoriser votre bien-être.


Suivi psychosocial IVAC
Nous proposons un accompagnement personnalisé pour vous aider à traverser les conséquences des traumatismes passés, en mettant l’accent sur le renforcement de vos compétences et ressources personnelles.
FAQ
« Je n’ai pas envie de revivre l’événement en détail ; vais-je devoir tout raconter ? »
Non. Le suivi psychosocial ne repose pas sur le récit détaillé de ce que vous avez vécu, mais sur ce que vous en ressentez aujourd’hui et sur ce que vous souhaitez transformer dans votre quotidien. Vous demeurez toujours maître ou maîtresse du rythme et du contenu partagé. Si certains souvenirs sont trop sensibles, on peut travailler autour, sans les forcer. L’important, c’est ce qui vous pèse maintenant et comment on peut vous aider à aller vers un mieux-être.
« Je suis déjà suivi·e par un médecin, un psychiatre ou un psychologue. Est-ce redondant ? »
Pas du tout. Le travail social est complémentaire aux approches médicales et psychologiques. Tandis que la médecine aborde principalement les aspects biologiques et que la psychologie peut explorer en profondeur les dynamiques internes, l’approche psychosociale s’intéresse à l’ensemble de votre vécu : votre environnement, vos relations, vos ressources, mais aussi vos émotions, vos réactions, vos besoins, et les façons concrètes de composer avec ce que vous traversez. Le rôle du travailleur social est de vous accompagner de manière globale, en tenant compte de ce que vous vivez ici et maintenant.
Combien de temps dure un accompagnement ?
Il n’y a pas de durée universelle : tout dépend de vos objectifs, de votre rythme et des ressources que vous avez autour de vous. Certaines personnes ressentent un soulagement dès les premières rencontres, en mettant des mots sur ce qu’elles vivent et en identifiant des leviers concrets. D’autres préfèrent un accompagnement plus soutenu ou espacé, selon les étapes qu’elles traversent. L’important, c’est que le suivi reste flexible, respectueux de votre réalité, et évolutif en fonction de vos besoins.
Quand devrais-je envisager la psychothérapie ?
Lorsque l’exploration de votre vécu devient profondément introspective, touchant des aspects comme les conflits intrapsychiques ou les traumatismes complexes qui nécessitent une exploration approfondie de l’inconscient, cela peut relever de la psychothérapie. Les psychothérapeutes sont formés pour effectuer des interventions thérapeutiques plus complexes, notamment celles qui traitent des troubles mentaux ou émotionnels complexes.
Vous pouvez consulter cette page de l’OPQ pour plus de détails sur la psychothérapie : qu’est-ce que la psychothérapie ? (Ordre des psychologues du Québec).
Sources
American Psychiatric Association. (2022). DSM-5-TR : Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, texte révisé (5e éd.). Washington, DC : American Psychiatric Publishing.
Ministère de la Santé et des Services sociaux (Québec). Trouble de stress post-traumatique : Guide de pratique clinique. Éd. avril 2023. Gouvernement du Québec.
Gouvernement du Québec. État de stress post‑traumatique (ESPT). Site Québec.ca, Santé mentale — Troubles mentaux. Consulté en 2025.